Depuis le
début de mon parcours en sciences de l’éducation, le concept d’alignement
pédagogique apparaît de manière récurrente et centrale dans les réflexions et
les exercices de planification d’activités d’apprentissage et de cours. Ce
concept développé par John B. Biggs (1996) est relativement simple dans sa
logique - une cohérence entre les objectifs d’apprentissage, les méthodes
d’enseignement et les pratiques évaluatives - mais plus complexe à mettre en
place. Pourquoi ? Pour installer cette cohérence, il faut s’attarder de manière
spécifique aux trois composantes de l'alignement pédagogique, soit
l’apprentissage, l’enseignement et l’évaluation.
Afin de
structurer ma réflexion quant à l’alignement de mon cours d’anthropologie au
collégial, j’ai imaginé une série de questions dont les réponses m’aideraient à
construire de la cohérence. Je présente ici une ébauche de “procédure”
d’alignement pour une activité pédagogique à objectif unique. Cette procédure
peut aussi s’appliquer quand il y a plusieurs objectifs d’apprentissage à
atteindre. Les réponses aux questions posées dans le procédure devraient
refléter des choix dont les conséquences seront l’alignement du cours.
1.
Quel est l’objectif d’apprentissage que je
souhaite que les étudiants atteignent ?
a.
Quel est le verbe d’action utilisé pour décrire
précisément les actions à réaliser ?
b.
Est-ce que la définition de ce verbe est connue et
sans équivoque pour
l’enseignante et les étudiants ? Par exemple, le verbe «calculer» fait
référence à des opérations arithmétiques et indique clairement l’action
attendue. Le verbe «développer», quant à lui, peut vouloir dire plus d’une
chose; son sens doit être spécifique à l’objectif d’apprentissage nommé.
Bégin (2008) donne un exemple de cet exercice dans deux tableaux de taxonomie
des stratégies cognitives et métacognitives.
2. Quelle est la méthode d’enseignement (ou
l’activité pédagogique) utilisée pour favoriser l’apprentissage ?
a.
Est-ce que
cette méthode ou activité permet de mettre les étudiants en action dans le but
qu’ils apprennent ce qu’ils doivent apprendre pour atteindre l’objectif ?
Rendre les étudiants actifs est la condition sine qua non de
l’apprentissage selon Ralph Tyler qui mentionne que «l’apprentissage prend
place grâce au comportement actif de l’étudiant : c’est ce qu’il fait qu’il
apprend et non ce que l’enseignant fait » (Traduction libre de Tyler,
1949 dans Brabrand et al., 2006).
b.
Autrement dit
:
c.
Quel type
d’action ont-ils besoin d’expérimenter ou de vivre pour atteindre l’objectif ?
i. Le verbe d’action utilisé pour décrire l’objectif
d’apprentissage représente l’objectif final. Pour y arriver, d’autres actions
sont peut-être nécessaires. En d’autres mots, quelle est la suite logique
d’actions à poser pour atteindre l’objectif d’apprentissage ?
d.
De quel type
de connaissances les étudiants ont-ils besoin pour atteindre l’objectif ?
i. De connaissances déclaratives (le quoi), de
connaissances procédurales (le comment) ou de connaissances conditionnelles (le
quand) (Anderson, 1983; Marzano et al. 1988).
3. Est-ce que l’évaluation proposée est un outil
de haute validité interne et externe pour rendre compte de l’atteinte de
l’objectif d’apprentissage ?
a.
Est-ce que
l’évaluation met les étudiants en situation réaliste et semblable, à celle
expérimentée ou vécue durant l’activité pédagogique ? Est-ce que l’étudiant
doit mobiliser des ressources qu’il a précédemment utilisées ou qui sont
transférables?
b.
Est-ce que
l’étudiant a été en situation d’évaluation formative ?
i. Est-ce que l’étudiant a eu assez de temps et
d’occasions pour apprendre ?
ii. Est-ce que l’étudiant a reçu de la rétroaction de bonne
qualité ?
Dans mon cours, un des objectifs est d’expliquer
l’apport de certains anthropologues à la discipline anthropologique. Je me suis
rendue compte que dans l’examen, je demandais aux étudiants, plutôt que
d’expliquer, d’avoir mémorisé le nom d’anthropologues connus et leur
contribution. Voilà un exemple parfait de manque de cohérence! En me
prêtant à l’exercice d’alignement, si
celui-ci reflète adéquatement les principes du constructive alignement
de Biggs, j’ajusterais l’évaluation de cet objectif en fonction de
l’apprentissage fait par les étudiants et des activités pédagogiques vécues par
ceux-ci.
Références
Anderson, J. R. (1983). The architecture of cognition.
Cambridge, MA: Harvard University Press
Bégin, C. (2008). Les
stratégies d’apprentissage: un cadre de référence simplifié. Revue des sciences de
l'éducation, 34(1),
47-67.
Biggs, J.B. (1996). Enhancing teaching through
constructive alignment. Higher education, 32(3), 347-364.
Brabrand, C., Andersen, J., Bucur, D., & Thorbek,
R. (2006). Teaching Teaching & Understanding Understanding.
Marzano, R. J., Brandt, R. S., Hughes, C. S., Jones,
B. F., Presseisen, B. Z., Rankin, S. C., & Suhor, C. (1988). Dimensions
of thinking: A framework for curriculum and instruction. Alexandria, VA:
ASCD.
Tyler, R. (1949). Basic principles of curriculum and
instruction. Chicago: University of Chicago.
Bonjour Edith,
RépondreSupprimerMerci de partager le fruit de ton travail avec nous. Ta procédure sera extrêmement utile. Quelques idées me sont venues à sa lecture. La première est le lien que fait Bégin (2008) entre les stratégies d’apprentissage et les objectifs. Selon cet auteur, c’est l’objectif visé par un étudiant qui détermine la stratégie d’apprentissage. Les actions rattachées à cette stratégie constituent différents moyens pour atteindre cet objectif, d’où l’importance de l’alignement pédagogique comme tu l’exposes si bien.
La deuxième idée vient de Donnison & Penn-Edwards (2012), qui affirment que les enseignants devraient faire en sorte que les étudiants soient conscients de leurs stratégies d’apprentissage. Cette prise de conscience contribuerait à les rendre plus actifs dans leur apprentissage. Ambrose et al. (2010) sont eux aussi d’avis que les étudiants doivent apprendre à gérer et à adapter leurs stratégies d’apprentissage.
Troisièmement, les activités d’apprentissage doivent avoir de la valeur aux yeux des étudiants, pas seulement aux yeux des enseignants. Il en revient à ces derniers d’expliciter cette valeur. Poumay (2014) considère d’ailleurs que le fait d’augmenter la valeur des activités d’apprentissage constitue un levier important (sinon LE plus important) de l’amélioration de l’apprentissage des étudiants au supérieur.
Voili voilou! Marie-Josée
Ambrose, S. A., Bridges, M. W., DiPietro, M., Lovett, M. C., Norman, M. K. (2010). How learning works. Seven researched-based principles for smart teaching. San Francisco: Jossey-Bass.
Bégin, C. (2008). Les stratégies d’apprentissage: un cadre de référence simplifié. Revue des sciences de l’éducation, 34(1), 47–67.
Donnison, S., & Penn-Edwards, S. (2012). Focusing on first year assessment: Surface or deep approaches to learning? International Journal of the First Year in Higher Education, 3(2), 9-20.
Poumay, M. (2014). Six leviers pour améliorer l’apprentissage des étudiants du supérieur. Revue internationale de pédagogie de l’enseignement supérieur [En ligne]. URL : http://journals.openedition.org/ripes/778, 30(30-1).