De la méta-analyse de Bernard et al.
(2009) sur les conditions facilitant les interactions à distance et du rapport
du département américain d’éducation, par Means et al. (2010), investiguant les
conditions favorisant l’efficacité de la formation à distance, je retiens quatre conclusions :
Tout d’abord, que les résultats ne
démontrent pas qu’un type de formation (à distance ou en présentiel) soit plus
efficace que l’autre. Autrement dit, plusieurs ingrédients sont nécessaires
pour qu’une formation soit efficace et que la modalité distance/présentiel
n’est pas garante à elle seule de cette efficacité; l’effet de la
modalité s’altère selon la nature des autres ingrédients (outils numériques
utilisés, médias partagés, types de support à l’apprentissage offerts, etc.
(Means et al., 2010)) en jeu dans le design d’une formation.
Ensuite, que l’asymétrie de la
communication dans les cours à distance asynchrones ne semble pas affecter
l’efficacité de ceux-ci comparativement à des cours asynchrones où la
communication est symétrique, c’est-à-dire où minimalement deux personnes
interagissent en même temps, réciproquement (Bernard et al. 2009). Cette idée
est révélatrice en ce sens qu’elle permet de croire que le moment auquel
se font les interactions sociales n’est pas le seul facteur déterminant de
l’efficacité de la communication.
Je retiens aussi que l’élément clef de
l’efficacité d’un cours à distance n’est pas la communication, mais bien l’interaction,
quelle que soit sa forme (entre les étudiants, entre l’étudiant et l’enseignant
et entre l’étudiant et le contenu (Bernard et al., 2009)). L’interaction entre
l’enseignant et le contenu, bien qu’écarté des analyses, me semble un
ingrédient important à investiguer dans la variation de l’efficacité d’une
formation puisque cette relation “qualifie” le degré de centration sur
l’apprentissage qu’accordera l’enseignant au design de son cours (St-Pierre,
2008).
Enfin, qu’un cours à distance efficace
doit inclure des outils et des occasions qui misent sur le développement de la
pratique réflexive chez les étudiants (appelé self-assessment par Means
et al., 2010). Autrement dit, l’étudiant doit pouvoir exercer son
potentiel d’autonomie (Moore, 2013) et son potentiel d’auto-régulation
(Garrison, 2017), des concepts proches de la pratique réflexive parce qu’ils
nécessitent tous la mobilisation de stratégies métacognitives chez l’étudiant.
En conclusion, l’inter-activité, plus que
l’activité, est un élément central dans la recherche d’efficacité d’une formation
à distance (Bernard et al. (2009). J’en conclus que c’est la richesse des
relations entre humains, plus que de la relation entre l’humain et la machine, qui
permet aux formations à distance d’être efficaces, même si ces relations
s’expriment de manière asynchrone ou asymétrique. Bref, Vygotsky (1962) le
disait mieux que moi : c’est la culture (c’est-à-dire le propre de l’humain,
comme certains diront, mais la primatologue en moi pourrait en débattre) qui
est le facteur déterminant dans la construction de connaissances :
l’apprentissage émerge des relations sociales.
Références
Bernard, R. M., Abrami, P. C., Borokhovski, E., Wade, C. A., Tamim, R. M.,
Surkes, M. A., & Bethel, E. C. (2009). A Meta-Analysis of Three Types of
Interaction Treatments in Distance Education. Review of Educational Research,
79(3), 1243‑1289. https://doi.org/10.3102/0034654309333844
Garrison, D. R., & Anderson, T. (2017). E-Learning in the 21st
Century: A Framework for Research and Practice (3e éd.). New York: Taylor
& Francis: Routledge. http://lien.uqam.ca/hGWY6db
Means, B., Toyama, Y., Murphy, R., Bakia, M., & Jones, K. (2010).
Evaluation of Evidence-Based Practices in Online Learning A Meta-Analysis and
Review of Online Learning Studies. Washington, D.C: U.S. Department of
Education. https://www2.ed.gov/rschstat/eval/tech/evidence-based-practices/finalreport.pdf
Moore, M. G. (2013). Handbook of Distance Education. New York:
Routledge. http://ebookcentral.proquest.com/lib/uqam/detail.action?docID=1114691
St-Pierre, L.
(2008). « Rôles et actes pédagogiques dans un contexte innovant : Comment les
enseignantes et les enseignants se centrent-ils sur les apprentissages ? »,
Pédagogie collégiale, 22:1, 31-37. https://cdc.qc.ca/ped_coll/pdf/saint_pierre_lise_22_1.pdf
Vygotsky, L.S. (1962). Thought and Language. Cambridge, MA: MIT Press. (Original work
published in 1934).
Bonjour Édith,
RépondreSupprimerLes interactions entre acteurs au sein d’un processus d’apprentissage ne sont-elles pas en soi un acte de communication lorsqu’elles s’appliquent entre étudiants ou entre étudiants et l’enseignant? Je pense que oui, si l’on se réfère à la définition de Bange (1996) selon qui, « la communication est un mode de régulation des relations entre individus au moyen d’une langue ou d’un apprentissage ». Qui plus est, selon moi, les interactions que vous placez ici en avant comme condition essentielle pour favoriser des apprentissages significatifs, doivent leur pertinence aux habiletés communicationnelles des acteurs en jeu dans ledit processus d’apprentissage.
Bange, P. (1996). Considérations sur le rôle de l’interaction dans l’acquisition d’une langue étrangère. Les Carnets du Cediscor. Publication du Centre de recherches sur la didacticité des discours ordinaires, (4), 189-202.