Billet 2, 2018 : Les apprenants du 21e siècle


Un projet proposé par le professeur Micheal Wesh offre une lecture émique de la culture étudiante d’aujourd’hui. Ce portrait met en évidence deux caractéristiques des apprenants : (1) la nécessité de donner un sens et une valeur à leurs apprentissages et (2) l’omniprésence des technologies dans leur vie quotidienne. Ces mêmes caractéristiques sont aussi relevées par la professeure Louise Ménard dans sa description du milieu universitaire québécois. 

Selon Prensky, cette apparition du numérique entre les mains de la population étudiante a des conséquences significatives sur les manières d’apprendre : il affirme que les patrons de pensée des étudiants d’aujourd’hui ont changé puisque « [ their ] brains have physically changed - and are different from ours» (Prensky, 2001).
À cette affirmation, je réponds deux choses :
  1. Si les structures du cerveau des étudiants du 21e siècle sont réellement différentes de celles de leurs enseignants, alors nous assistons à une manifestation de l’évolution telle que décrite par Darwin, idée que nous devons mettre de côté. En fait, il est plutôt question ici d’un changement culturel et non d’un changement structurel ; l’utilisation du numérique telle qu’étiquetée aux étudiants du 21e siècle fait partie de la culture étudiante.

  1. À qui fait réellement référence Prensky quand il compare le cerveau des étudiants à celui des enseignants ?  Sous-entend-t-il que les enseignants sont nécessairement tous, pour reprendre ses termes, des «digital immigrants» ?  Cette catégorisation tient-elle encore si les enseignants sont eux-mêmes des «digital natives» ou s’ils possèdent aussi une grande aisance technologique ?

Pour isoler la variable «digital natives/digital immigrants» de l’équation expliquant la place du numérique dans la réussite scolaire, il faudrait connaître la différence d’aisance technologique entre l’enseignant et les étudiants. Parfois, cette différence est nulle. 

D’ailleurs, j’ai remarqué que mes étudiants, nés au début des années 2000, vivent encore plusieurs défis par rapport à l’utilisation des technologies : certains ne possèdent pas d’ordinateur portable, d’autres ont rarement utilisés Word et Excel et d’autres encore sont réfractaires à l’utilisation des technologies dans la réalisation de travaux ou d’activités. Ils sont peut-être nés au 21e siècle, mais ils n’ont pas nécessairement toujours envie, ou ne sont pas toujours capables, d’utiliser le numérique comme un outil soutenant leurs apprentissages.

       Alors, si ce n’est pas l’écart technologique entre les enseignants et les étudiants, qu’est-ce qui explique la grande différence entre les patrons d’apprentissage des uns et des autres ? 

Le rôle des universités est ici, selon moi, d’encourager les enseignants à se familiariser avec les TICs, mais aussi de créer les conditions favorables aux apprentissages peu importe la culture des apprenants. En d’autres mots, quand tous les enseignants «digital immigrants» auront été remplacés par des enseignants «digital natives», l’écart dans les patrons de pensée, décrit par Prensky, sera très probablement encore présent, mais généré cette fois-ci par d’autres nouveautés culturelles.

Références : 

Prensky, M. (2001). Digital Natives, Digital Immigrants. On the Horizon, 9(5), 1-6. http://www.marcprensky.com/writing/Prensky%20-%20Digital%20Natives,%20Digital%20Immigrants%20-%20Part1.pdf

Wesch, M. (2007). A Vision of Students Today. Récupéré du site YouTube : https://www.youtube.com/watch?v=dGCJ46vyR9o


Commentaires

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  2. Je pense que Prensky, quand il affirmait que « le cerveau des étudiants a changé » faisait non seulement référence à la culture numérique mais aussi à la manière dont nous traitons les informations à l’heure du numérique. Nous sommes bombardés d'informations, stimulés presque 24h/24 et les réponses sont immédiates à travers de puissants moteurs de recherche. Je peux comprendre un adolescent qui se demande pourquoi mémoriser tous ces savoirs théoriques puis qu'en deux clics sur Google ou en interrogeant Siri, il obtient toutes les informations contenues dans ses manuels et même beaucoup plus. Je ne dis pas par-là que l'apprentissage est inutile.

    L’enseignant doit prendre en compte ce contexte de disponibilité de l'information pour permettre à l'apprenant de construire un raisonnement qui l'amène à discriminer et idéalement à réutiliser les informations pertinentes. Le rôle de l'enseignant a changé car la manière dont l'étudiant apprend est différente : probablement plus éclatée, moins linéaire. Il n'attend plus du "sachant" qu'il distille ses connaissances mais il a probablement besoin, plus que par le passé, de mentors pour l'accompagner à travers son processus d'apprentissage dans un contexte culturel numérique.

    Prensky, M. (2001). Digital Natives, Digital Immigrants. On the Horizon, 9(5), 1-6. Repéré à http://www.marcprensky.com/writing/Prensky%20-%20Digital%20Natives,%20Digital%20Immigrants%20-%20Part1.pdf

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  3. Merci pour votre commentaire. Je suis d’accord avec vos propos. Le rôle du «sachant» (j’adopte cette nouvelle appellation !) comme guide et mentor est d’autant plus importante aujourd’hui, puisque les sources d’informations sont diverses, accessibles, mais pas toujours fiables. Il m'apparaît donc assez logique que les enseignants s’adaptent aux nouvelles réalités culturelles (le numérique en est une) des étudiants, sans pour autant diminuer leurs exigences de réussite. L’avènement des technologies et de l’accès à l’information de masse n’est qu’un défi auquel devront faire face les enseignants et les universités futurs.

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